Le Meilleur, programme rizières
En Casamance, le génie Diola fut un très grand ingénieur agronome, dont la riziculture de mangrove est un art très subtil, qui rythmait le monde d’avant. Les anciens inventèrent d’excellents systèmes de digues et d’écluses en terre, pour dessaler les bas-fonds en saison des pluies et gagner des terres cultivables sur les mangroves. Ces rizières fondent l’identité culturelle des Diolas du delta du fleuve Casamance. L’identité culturelle autant que la base alimentaire traditionnelle, le riz, que complètent essentiellement le poisson et les autres ressources halieutiques.
En Casamance, le riz est aujourd’hui encore souvent cultivé sans engrais ni pesticide, constituant de fait un produit biologique de très haute qualité nutritionnelle, sans comparaison avec les brisures de riz importées que consomment quotidiennement la majorité des sénégalais, même en Casamance.
Comme les palmiers, les rizières sont progressivement laissées à l’abandon, les digues sont de moins en moins entretenues, le sel regagne énormément de terrain. Au mois d’août, qui est le moment fort de la riziculture, la jeunesse, jadis active dans les travaux champêtres, est toute entière absorbée par les tournois de foot. C’est peut-être la principale raison pour laquelle les familles, même dans le delta, ne sont plus autosuffisantes en riz de culture vivrière.
Familiales, les rizières ne trouvent plus assez de bras (car les jeunes quittent les villages pour les villes) et l’autorisation dans les années 1980 d’importer massivement les riz de l’agriculture pétrochimique, avec les prétendus accords de libre-échange, a détourné les populations locales de la production de leur propre alimentation. En zone rurale reculée, notamment insulaires, ce grand recul de leur souveraineté alimentaire n’est pas si ancien, il date des années 1990, sachant que les colons avaient tenté, précédemment, de détourner les paysans du riz au profit de l’arachide, pour transformer l’agriculture vivrière des Diolas en agriculture d’exportation et de rente.
Il est chaque année plus difficile de motiver les jeunes pour aller aux rizières. Et ce n’est pas le prix du sac de 50 kilos de riz, sur les marchés sénégalais comme sur les marchés internationaux, qui les motivera. Les rizières sont donc vouées à disparaître irrémédiablement, sauf si…
Sauf si les autorités politiques impulsent une nouvelle donne en subventionnant "énormément" l’achat du riz de mangroves, pour donner à ce riz exceptionnel la valeur qu’il mérite, le prix de l’or /smiley accueil souriant
Par exemple, à partir de 80.000 CFA le sac de 50 kilos – prix d’achat garanti par l’État ou la FAO – il est probable que la riziculture intéresse de nouveaux les jeunes. Si dans ce scénario économique c’est hélas concrètement l’appât du gain, plutôt que la culture vivrière, qui motivera les néo-riziculteurs, l’objectif est de réhabiliter les digues, quoi qu’il en coûte, et de cultiver à nouveau les très nombreuses rizières abandonnées ces dernières années. Ce programme pourrait notamment être financé par les fonds d’adaptation au changement climatique et ses conséquences, dont la montée du niveau des océans, jusque dans les deltas.
Il s’agit de donner, là-aussi, une valeur monétaire et symbolique importante à un produit dont les marchés ont saccagé la valeur sociale. Même avec une incitation monétaire à la production, pour motiver la jeunesse immédiatement, un redéveloppement de la riziculture en Casamance augmenterait, à moyen et long terme, la sécurité alimentaire de la région, et du pays, dans des temps où se profilent des pénuries mondiales. L’idée est de préserver les savoir-faire traditionnels de cette riziculture ancestrale, patrimoine immatériel de l’humanité, pour ne pas se trouver démunis lorsque les marchés internationaux, dépassés par la surpopulation, nous priveront même des pires brisures de riz. Cet horizon justifie pleinement une politique de très fortes subventions pour le riz, comme pour d’autres productions agricoles. Subventions sous forme éventuellement de création monétaire, dans le cadre de la transition écologique.
Il n’y a actuellement plus de marché pour le riz des mangroves, il ne se vend plus dans les villages, ni mêmes dans les îles, pas plus qu’à Ziguinchor, ou alors très sporadiquement.
Dans le cadre de ce programme de relance de la riziculture de mangrove, les services du ministère de l’agriculture, l’INRAE et les ONG éventuellement partenaires observeront avec vigilance les processus et les étapes de production du riz, pour en garantir l’origine et les modes de culture, s’agissant d’une expérience pilote dans le cadre des politiques d’aménagement territorial et leurs plans de sécurité alimentaire. L’origine du riz étant garantie et les fraudes évitées, l’État ou les bailleurs garantiront à l’avance un prix d’achat aux petits producteurs, organisés en coopératives. Les sommes ainsi investies dans l’économie agricole seront une manne pour les villages et permettront, espérons-le, d’inverser l’exode rural.
Ce programme pourrait faire l’objet d’une expérience de création monétaire ex-nihilo, si le gouvernement sénégalais décidait de se réapproprier le pouvoir de création monétaire en introduisant dans le jeu économique une monnaie complémentaire du Franc CFA, pour mettre en œuvre la transition écologique en développant une économie enfin endogène.
Pour en savoir plus et décider de vous investir dans ce projet-là plutôt qu’un autre, contactez-nous 🤗